Sans grande surprise, les élections du Congo-Brazzaville du 20 mars dernier n’ont pas été transparentes, selon les critères européens.
Le Congo-Brazzaville n’a organisé qu’une seule élection démocratique : c’était en 1992. À l’époque, le président Denis Sassou Nguesso avait terminé troisième lors du premier tour, mais il est revenu au pouvoir cinq ans plus tard suite à une brève guerre civile contre le gouvernement de Pascal Lissouba.
Ayant occupé le poste de président durant 32 des 37 dernières années, la probabilité de voir Sasson Nguesso évincé était très mince. Cette fois-ci, il a remporté 60 % des voix, avec un taux de participation de 70 %.
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Les accusations d’achat de voix, d’irrégularités des listes électorales, et de trafic d’influence des médias en faveur du président sortant sont inquiétantes, mais familières.
En février, les élections en Ouganda n’ont pas été beaucoup plus libres et impartiales. Depuis ces élections truquées, qui ont donné au président Yoweri Museveni la possibilité de rempiler pour un septième mandat, le chef de l’opposition, Kizza Besigye, se trouve assigné à résidence.
Le Congo oublié
De l’autre côté du fleuve Congo, à Kinshasa, le président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, envisage de modifier la constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat lors des élections prévues en novembre. Avec environ 70 millions d’habitants, la RDC a une population 15 fois plus importante que sa voisine, et une longue histoire d’instabilité politique et d’exploitation économique. Les machinations de Joseph Kabila suscitent donc beaucoup plus l’intérêt des médias étrangers et des gouvernements occidentaux.
À Brazzaville, l’UE ne s’est quasiment pas impliquée et à part quelques journalistes français, la presse étrangère n’a pas été très présente. Étant donné que le Congo-Brazzaville n’a que 4,5 millions d’habitants, attire peu d’investissements des pays européens autre que la France et l’Italie et n’abrite qu’une poignée d’ambassades nationales.
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Au grand dam du gouvernement congolais, l’UE n’a pas envoyé de mission d’observation des élections et a publié un communiqué post-élections sans grande conviction, annonçant que le scrutin s’était déroulé « de manière pacifique, malgré l’interruption des moyens de communication et des failles dans l’organisation des élections ».
« Ils [l’UE] auraient dû être plus justes, car nous avions demandé une équipe d’observation. Ces élections devaient illustrer la volonté du peuple congolais. Pourquoi ne peuvent-ils pas respecter cela », a déclaré Laurette Angouono, une fonctionnaire, à EurActiv. Laurette Anguouno et d’autres ont reproché aux médias français de couvrir la situation politique congolaise avec un ton colonialiste et paternaliste.
Les principaux messages que Bruxelles a voulu transmettre au Congo ont été des critiques liées au processus peu démocratique et au changement opéré dans la Constitution pour que Sasson Nguesso étende son mandat.
Un économie à diversifier
Économiquement, la chute des prix du pétrole prouve que le Congo-Brazzaville doit diversifier son économie pour dépendre moins de l’or noir, qui représente près de 70 % de sa production économique et en 2014, 80 % des revenus de l’État.
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Outre le développement d’autres minerais comme le phosphate et la potasse, l’économiste en chef du FMI, Jules Tchicaya Gondhet de Trebaud, a expliqué à EurActiv qu’il était urgent que le Congo investisse dans les routes, les ponts, et dans ses réseaux électriques.
L’Europe pourrait jouer un rôle majeur. Dans d’autres pays d’Afrique Afrique subsaharienne, la Banque européenne d’investissement ainsi que les banques de développement françaises et allemandes sont les principaux investisseurs dans les projets d’infrastructure des secteurs de l’énergie et du transport, notamment dans l’énergie renouvelable.
Pendant ce temps, le Fonds fiduciaire UE-Afrique pour les infrastructures récemment créées, qui a attribué plus de 70 bourses d’un montant total de plus de 8,9 millions d’euros à des projets d’infrastructures permet de générer des investissements dans le secteur privé avec de l’argent public. Le fonds combine des subventions de la Commission européenne et des gouvernements nationaux et la capacité de prêts de la BEI.
L’Europe et les États-Unis ont déjà perdu une part importante de leur influence politique et économique en Afrique subsaharienne. Pour la regagner, ils devront trouver des techniques plus convaincantes que leurs actuelles critiques diplomatiques. L’argent chinois a permis de payer un pont suspendu en périphérie de Brazzaville, et la Chine devient de plus en plus le partenaire commercial du Congo et d’autres pays d’Afrique subsaharienne.
Les investissements économiques et le commerce créent des leviers politiques. La transition vers la démocratie ne se construit pas du jour au lendemain, surtout dans les pays comme le Congo, où les divisions tribales ont été activement promues et accentuées par les colons européens pour maintenir l’ordre, puis qui ont été utilisés comme pions dans la Guerre froide par leurs anciens colonisateurs après leur indépendance.