
Le Président du Cercle des Démocrates et Républicains du Congo accuse :
« C’est une bombe à retardement anti-française qui est amorcée à Brazzaville »
Trois jours avant une conférence de presse destinée à l’ensemble des médias, Modeste Boukadia-Loutaya, Président du Cercle des Démocrates et Républicains du Congo-Brazzaville (C.D.R.C.), un ami de la France qui est aussi Secrétaire Général de l’association Brazzaville capitale de la France-Libre, a choisi le Journal Minute pour lancer un cri d’alarme : « Attention… c’est une bombe à retardement contre la France qui vient d’être amorcée à Brazzaville ! »
C’est un peu vite que d’aucuns présentent le retour au pouvoir du marxiste Denis Sassou Nguesso comme un point marqué par Elf et par la France au détriment des intérêts américains. Un faux succès, selon Modeste Boukadia, et qui aurait plutôt les apparences d’une victoire à la Pyrrhus dont la France devra longtemps payer le prix et bientôt les premières conséquences. Et qui s’inscrit dans le droit fil de la politique de cafouillages qui caractérise notre action en Afrique depuis quelques années.
Première erreur : le soutien par la France de la candidature de M. Lissouba à la présidence, en juillet-août 1992, alors qu’il n’échappait à personne qu’il était aussi le candidat de l’ex général-président communiste sortant, pour ne pas dire son homme de paille. « Le contrat entre Sassou – qui comptait bien ne faire qu’une fausse sortie – et le candidat Lissouba était « Je vous fais président, mais je garde un œil sur le pouvoir, notamment financier », explique Modeste Boukadia.
Seconde erreur : Avoir soutenu un candidat s’engageant, lors de sa campagne, à ouvrir la prospection du pétrole à d’autres sociétés. « Le tout puissant pétrolier Elf aurait dû le mettre en garde, plutôt que le laisser s’enferrer dans ses promesses et de s’y opposer après coup », explique encore le chef de parti congolais.
Troisième erreur : Refuser au nouveau Président une avance sur redevances pétrolières destinée à payer les salaires en retard quelques temps après son élection. Ce qui l’obligeait, acculé à la fois par ses promesses électorales et le manque d’argent, à céder aux avances avantageuses du pétrolier américain Exxon. Une attitude du pétrolier français ressentie, selon Modeste Boukadia, comme une marque de mépris pour la jeune démocratie et ses électeurs, dans la mesure où de telles largesses n’avaient pas été refusées, naguère, au général-président Sassou.
Dernière erreur, la dénonciation et le désaveu d’Elf, pratiquement accusé par le gouvernement Français d’être à l’origine du retour de l’ancien dictateur marxiste. Ce qui laisse à penser que l’Etat français n’a pas eu connaissance d’une entreprise de cette ampleur, ni la moindre autorité sur cette société basée sur son territoire… « C’est à se demander quels sont les liens d’assujettissement entre l’Etat Français et l’Etat Elf, véritable Etat dans l’Etat » commente l’homme politique congolais, « mais ce qui est sûr, c’est que cette affaire va durablement flétrir l’image de la France en Afrique et ne sera pas, à terme, sans conséquences »…
« Et qu’attend le pétrolier français de M. Denis Sassou Nguesso interroge le Président du C.D.R.C. ? Ayant renversé son prédécesseur au motif qu’il refusait des élections, on voit mal comment il pourrait échapper lui-même au verdict des urnes. Et qui pourrait imaginer qu’un général qui s’est fait porter au pouvoir à la tête d’une armée étrangère envahissant sur sa demande son propre pays pourrait ne pas être rejeté par le peuple ? Un peuple qui n’est pas prêt d’oublier que cette armée venait d’Angola, également sous contrat avec Elf, dont le rôle a été reconnu sans ambiguïté par le Ministre Français de la coopération… Qui pourrait croire, dès lors, que les intérêts français, et notamment pétroliers ne vont pas se voir confronter aux conséquences de ce coup de force ? »
In le journal Minute
20 octobre 1997
