
RECONSTRUIRE L’UNITÉ
La mort de Marien Ngouabi demeure le nœud gordien de l’histoire politique du Congo. Cette tragédie, indissociable des assassinats du Cardinal Émile Biayenda, du président Alphonse Massamba-Débat et de nombreux autres compatriotes innocents, doit être résolue pour mettre fin à des décennies de divisions, d’humiliations et de manipulations historiques. Il est temps que la vérité soit rétablie pour que l’histoire ne bégaye plus.
L’union nationale ne pourra se construire que sur le rétablissement de la vérité sur ces faits pour mettre fin aux mensonges qui sont à l’origine de la méfiance et du tribalisme.
Différents axes doivent pour cela être des préalables :
Revisiter notre Histoire encore récente
Est-il normal pour un pays d’assassiner un jeune homme pour lui voler son vélo, ses deux paniers de poisson, et remettre son corps à sa mère avec la bouche remplie d’excréments ? Il faut se souvenir de ce qui s’est passé à Owando, lors du maquis dit d’Ikongono, symbole de l’injustice et de la brutalité d’un système qui méprise la vie humaine.
Quel intérêt de continuer à maintenir des gens en détention si ce n’est pour les humilier, humilier leurs amis, leurs parents, leurs familles et leurs clans à l’exemple du Général Jean-Marie Michel Mokoko, André Okombi Salissa et les jeunes soldats proches du Colonel Marcel Tsourou ?
Alors que le mot « paix » est dans la bouche de tout le monde, comment comprendre que des compatriotes M’bossi s’interrogent sur leur avenir au sein même de leur propre pays, le Congo ?
Que dire de la tragédie silencieuse des Tékés ? Eternels victimes de la politique congolaise, ils subissent dans l’indifférence générale humiliation injuste et marginalisation comme le témoigne cette phrase méprisante et révoltante : « Même les Tékés veulent diriger ce pays ! », insinuant peut-être qu’ils seraient moins congolais que d’autres.
L’assassinat de Marien Ngouabi focalise toutes ces exclusions et ses conséquences dramatiques. Le Congo ne pourra se réconcilier qu’à la condition que cette page de l’histoire soit réécrite avec vérité et justice :
- La révision du procès de Marien Ngouabi est indispensable pour la vérité de l’Histoire
- La révision du procès de Marien Ngouabi est indispensable pour laver la mémoire des Bakongo de l’accusation fallacieuse qui leur a été collée « Bakongo ba bomi Marien !«
- Un procès sur l’assassinat du Cardinal Émile Biayenda doit être ouvert.
- Florent Tsiba, dernier à avoir vu vivant le président Alphonse Massamba-Débat, doit nous dire ce qu’il sait de sa disparition.
Redimensionner nos axes de développement économique et commercial
Gamboma autrefois carrefour commercial où Nord et Sud échangeaient leurs richesses, doit retrouver son rôle pivot, articulant notre économie de façon harmonieuse tant au niveau du marché intérieur qu’avec les pays limitrophes au nôtre. Repenser la ville de Dolisie, jadis troisième ville du pays, et aujourd’hui laissée à l’abandon. Ces villes sont des symboles de la désintégration du Congo, du désintérêt d’un système dans le développement de notre pays. Elles doivent être restaurées pour rétablir l’équilibre national.
Le système actuel, verrouillé par Denis Sassou Nguesso, doit être démantelé si la France souhaite encore entretenir une relation digne avec le Congo. Il est temps que les Congolais prennent en main leur destin.
Fut un temps, constatant l’état de désagrégation dans lequel il se trouve notre pays et après beaucoup de mises en garde, envisagé la partition du pays, seul moyen pensais-je alors de sauver ce qui pouvait l’être et les vies humaines avec mais, en approfondissant ma réflexion, j’ai compris que la seule véritable solution réside dans l’union nationale. Cette unité ne peut être sincère que si chaque portion du pays retrouve sa dignité et sa place.
Le problème du tribalisme ne se résoudra pas tant que les dirigeants perpétueront le système de privilèges familiaux et claniques. La Conférence Nationale Souveraine avait dénoncé ces abus, mais les gouvernements successifs n’ont fait que les renforcer. De l’UPADS à Sassou, la centralisation du pouvoir entre les mains de quelques-uns a détruit le pays.
Nous devons nous rappeler que Ange Bidie Diawara avait dénoncé cette « OBUMITRI » (Oligarchie Bureaucratique Militaro-Tribaliste), terme repris par Marien Ngouabi trois jours avant son exécution. Sassou Nguesso a prétendu résoudre ce problème en assassinant Ngouabi le 18 mars 1977, jetant la responsabilité sur les Bakongo. Cette imposture doit cesser.
Le Congo doit s’ouvrir à la vérité et à la justice pour construire une véritable unité nationale. L’heure est venue d’affronter notre passé pour espérer un avenir, réhabiliter nos traditions et nos langues. Le Congo deviendra fort et fier lorsqu’il se réappropriera sa propre culture nationale, construite sur la diversité et la richesse de toutes ses composantes ethniques.
Modeste Boukadia
Le 21 février 2025
