L’AXE BRAZZAVILLE – RDC : UN ÉQUILIBRE STRATÉGIQUE POUR L’AFRIQUE CENTRALE

Modeste Boukadia à Maryland au cours d’une réunion avec les Congolais résidant aux États-Unis d’Amérique. Photo : ©NadineNagel

L’AXE BRAZZAVILLE – RDC : UN ÉQUILIBRE STRATÉGIQUE POUR L’AFRIQUE CENTRALE

Alors que la République démocratique du Congo s’affirme comme un partenaire stratégique des États-Unis dans la nouvelle architecture géopolitique mondiale, le Congo-Brazzaville s’enfonce dans l’isolement et les dérives autoritaires. Pourtant, l’histoire, la culture et les intérêts communs lient étroitement les deux rives du fleuve Congo. Face aux urgences sécuritaires, économiques et sociales de la région, un axe politique fort Brazzaville–Kinshasa est plus que jamais nécessaire pour garantir la stabilité de l’Afrique centrale. Mais cela suppose une alternance politique à Brazzaville fondée sur l’union nationale, la désimmigration et la décentralisation.

La stabilité d’un pays est toujours le reflet de son histoire. Et celle du bassin du Congo, espace stratégique de l’Afrique centrale, est intimement liée aux trajectoires parallèles des premiers dirigeants de la République du Congo et de la République Démocratique du Congo : Fulbert Youlou, Joseph Kasa-Vubu, et Moïse Tshombé. Leur vision a marqué un temps où les relations entre Brazzaville et Kinshasa reposaient sur une proximité culturelle, politique et historique évidente – des racines communes issues du même Royaume, dont Kinshasa fut un centre d’influence.

Aujourd’hui, il est impératif que les autorités de la RDC, ainsi que les futures autorités du Congo-Brazzaville, réengagent un dialogue diplomatique ambitieux, sincère et structurant, pour donner un nouveau souffle à cette relation naturelle. Une relation de premier plan, fondée sur une vision commune de la stabilité régionale.

Dans ma tribune du 12 mai 2025 intitulée « Donald Trump et l’Afrique : quelle relation ? », je soulignais, en réaction à l’article d’Aurélie M’Bida dans Jeune Afrique, que la décision de Donald Trump de suspendre la contribution américaine au Fonds africain de développement pouvait constituer un électrochoc salutaire. L’Afrique ne peut plus se contenter d’un rôle passif. Elle doit s’affirmer comme un partenaire stratégique à part entière dans les dynamiques géopolitiques contemporaines.

C’est dans cette optique que doit s’inscrire la dynamique de paix naissante entre la RDC et le Rwanda. Malheureusement, le régime de Denis Sassou Nguesso à Brazzaville a manqué ce tournant historique en concluant un accord opaque avec Kigali, allant jusqu’à accueillir à Oyo un prétendu QG dont l’objectif officieux était de déstabiliser Kinshasa. Cette manœuvre, vouée à l’échec, a isolé Brazzaville sur la scène régionale et internationale. Il est désormais clair que la RDC est devenue un partenaire stratégique pour les États-Unis – ce qui repositionne l’échiquier diplomatique régional.

J’avais pourtant, dans l’émission Droit de savoir de R7 du 24 avril 2025, alerté le Général Guy Blanchard Okoï, chef d’état-major, sur l’incohérence d’une telle démarche. Comment envisager la stabilité de l’Afrique centrale lorsque deux pays frères, liés par tant d’héritages communs, adoptent des orientations antagonistes ?

Au Congo-Brazzaville, la dérive autoritaire du régime d’Oyo, les détournements de fonds publics, les mariages fastueux célébrés à l’étranger au mépris du sort des populations, traduisent une faillite politique. Le pays est aujourd’hui exsangue, du Nord au Sud. Des propos aussi graves que ceux de Jean-Dominique Okemba sur la destruction du Pool, ou ceux de Denis Sassou Nguesso appelant à « diversifier et diluer » la population du Pool avec des Rwandais en raison d’un supposé « manque de mélange« , sont non seulement inacceptables, mais symptomatiques d’une pensée ethno-nationaliste destructrice.

À cela s’ajoutent ses aveux cyniques, tels que : « La France ne peut pas me chasser car ce que je fais, c’est la France qui me le demande » ou ceux de son conseiller sur LCI en 2005 « On pouvait s’en sortir avec au moins 2000 morts », qui mettent Paris dans une position de plus en plus inconfortable. Il est entendu que ni la France, ni les États-Unis ne souhaitent s’engager dans une mascarade électorale en 2026, malgré les manœuvres de figures du régime comme Isidore Mvouba, tentant de donner une légitimité de façade à une entreprise de démolition nationale.

Des sources fiables confirment que les capitales occidentales ont réitéré leur proposition faite à Denis Sassou Nguesso, notamment lors des cérémonies de la résurrection de Notre-Dame de Paris : une sortie négociée reste possible. La question se pose désormais : après les échecs successifs de la Conférence internationale, de la Main tendue, de la Table ronde, du Compromis politique historique – est-il encore temps pour un DIALOGUE ?

Je reste convaincu que toute solution durable passe par une transition politique. Les dignitaires du régime doivent être rassurés sur leur avenir, dans un cadre de négociation digne. La politique est l’art du compromis lorsqu’il permet d’éviter le chaos. Les officiers supérieurs, leurs troupes et les forces de sécurité doivent comprendre qu’il y a un moment pour choisir le peuple. Ce moment est venu.

L’alternance politique au Congo-Brazzaville est désormais une exigence. Elle constitue le socle indispensable à la reconstruction de l’axe stratégique Brazzaville–Kinshasa, dont dépend largement la stabilité de l’Afrique centrale.

Cette alternance doit reposer sur trois piliers non négociables :

  1. L’union nationale, seule capable de dépasser les clivages ethniques et régionaux artificiellement entretenus par le régime.
  2. La désimmigration, afin d’offrir à la jeunesse les conditions d’un avenir digne sur sa propre terre.
  3. La décentralisation, pour que chaque région puisse accéder à un développement équitable sous la responsabilité de gouverneurs élus, redevables devant le peuple.

C’est à partir de cette refondation que pourra émerger une stabilité durable, dans la nouvelle dynamique impulsée par les États-Unis et le Président Donald Trump. Le temps presse. L’histoire jugera ceux qui ont choisi d’agir – et ceux qui ont préféré trahir le peuple.

Modeste BoukadiaLe 15 mai 2025 – 14:09

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