L’Afrique doit se déterminer pour faire entendre sa voix

Alors que les grandes puissances redessinent la carte géopolitique mondiale autour des ressources africaines, le continent ne peut plus rester spectateur. Face à la guerre d’influence entre la Chine et les États-Unis, l’Afrique doit s’affirmer, définir ses propres priorités et valoriser ses atouts. Modeste Boukadia, président du CDRC, appelle à une prise de conscience collective, à une gouvernance responsable et à la mobilisation de toutes les forces africaines, y compris de la diaspora, pour transformer l’Afrique en acteur stratégique et souverain du XXIe siècle.

L’Afrique doit se déterminer pour faire entendre sa voix
par Modeste Boukadia

L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis, portée par le slogan « Make America Great Again », a révélé au monde une volonté assumée de redéfinir les rapports de force mondiaux en plaçant les intérêts américains au cœur de la stratégie globale. Ce retour aux fondamentaux de puissance a eu des répercussions majeures sur la géopolitique africaine.

Déjà en 2018, lors de mon déplacement aux États-Unis, j’ai été interpellé par des membres du Congrès sur les faiblesses structurelles du continent africain, perçu comme un partenaire encore trop passif sur la scène économique internationale. Ma réponse fut sans détour : « L’Afrique est le partenaire de demain. Mais si nous n’y prenons pas garde, bientôt tous les pays africains porteront le drapeau chinois ». Cette alerte, reprise dans la presse américaine (Washington Times, mars 2018), visait à rappeler une vérité dérangeante : en l’absence d’une vision stratégique africaine, d’autres puissances imposeront la leur.

La Chine a mis en œuvre une politique méthodique : celle du Triangle d’Or, qui consiste à contrôler les chaînes économiques mondiales à partir des ressources africaines. Le mécanisme est connu : prêts avantageux aux régimes autoritaires en échange d’un accès direct aux matières premières. Cette stratégie n’est pas sans conséquences : intensification des conflits armés pour le contrôle des minerais, endettement asphyxiant des États, destruction de la biodiversité, notamment dans le Golfe de Guinée où des pratiques de pêche extrêmes anéantissent les écosystèmes marins.

Pendant longtemps, l’Afrique francophone a été considérée comme le précarré de la France. Mais à force de soutenir des régimes déconnectés de leurs peuples et peu soucieux des droits fondamentaux, Paris a perdu la confiance d’une jeunesse africaine de plus en plus exigeante. Le rejet s’est transformé en défiance, et la défiance en basculement géopolitique.

Face à cette nouvelle donne, les États-Unis, sous l’impulsion de Donald Trump, ont décidé de reprendre pied là où la Chine impose sa loi : en Afrique, notamment en République Démocratique du Congo et au Congo-Brazzaville. Car ces territoires recèlent ce que le monde s’arrache : les terres rares, indispensables à l’économie numérique et à la transition énergétique mondiale.

C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre les efforts diplomatiques entrepris par le président Trump pour apaiser les tensions entre la RDC et le Rwanda. Derrière ces tensions, ce sont les gisements de coltan, tantale, niobium, libidium qui attisent les convoitises. Des conflits encouragés – ou exploités – par certains régimes voisins, parfois dans une logique inavouée de domination ethnique ou de répression politique, comme l’ont montré des déclarations internes rapportées au sein du PCT à Brazzaville.

Lors d’un échange à Paris, en marge de la cérémonie de la résurrection de Notre-Dame, le président Trump aurait exprimé son étonnement au président Denis Sassou Nguesso, en ces termes : « Pourquoi y a-t-il autant de morts dans votre pays ? Il faut rassembler les leaders politiques pour dialoguer sans cris ni violence et voir comment gouverner au mieux votre pays… » Cette interpellation révèle une exigence nouvelle : celle d’une responsabilité politique des dirigeants africains dans la gestion de leurs peuples et de leurs richesses.

Cette même exigence s’est traduite dans une déclaration publique à une journaliste angolaise : « Nous avons d’excellentes nouvelles à venir concernant le Rwanda et le Congo. Je pense que la paix va s’installer dans ces pays et dans d’autres aux alentours. » En réalité, la paix est devenue un impératif stratégique, condition sine qua non d’un partenariat gagnant-gagnant avec les grandes puissances. Mais cette paix, si elle est négociée sans les peuples concernés – notamment les propriétaires terriens de l’Est du Congo – risque de ne pas durer. Une paix imposée sans justice est une paix fragile.

Ce constat impose une rupture. L’Afrique ne peut plus se contenter d’être le théâtre passif des stratégies étrangères. Elle doit être actrice de son destin, moteur de sa stabilité, architecte de ses choix. Cela passe par une parole forte, claire, responsable. Et cette parole ne peut venir que d’une jeunesse consciente, mobilisée, formée, qu’elle vive sur le continent ou dans la diaspora.

Cette dynamique de réappropriation du destin africain ne saurait être menée sans la contribution décisive de la diaspora. Trop longtemps perçue comme une fuite des cerveaux, l’émigration africaine peut aujourd’hui devenir une désimmigration volontaire et constructive. Par ce terme, il s’agit non pas d’un simple retour physique, mais d’un retour d’expertise, d’investissement, de savoir-faire, de réseaux et de vision stratégique. Les Africains formés en Occident ou ailleurs dans le monde possèdent des compétences précieuses dans les domaines clés : éducation, santé, infrastructures, technologies, gouvernance, économie numérique. Il est temps de canaliser cette énergie, non pas comme une force dispersée, mais comme un véritable levier de transformation. L’Afrique de demain se construira avec ceux qui sont restés, mais aussi avec ceux qui, ayant appris ailleurs, choisissent de revenir ou de contribuer autrement, pour bâtir un avenir commun.

Aujourd’hui, plus que jamais, la voix de l’Afrique doit se faire entendre, non pas en opposition aux autres puissances, mais en affirmation de ses propres intérêts, de sa dignité et de son potentiel. Oui, #AfricanLivesMatter. Les vies africaines comptent. Leur avenir ne doit plus être négocié sans elles.

Et pour le Congo, l’heure est venue de retrouver son rang. « It’s Time To Make Congo-Brazzaville Great » (Daily Caller, mars 2018) : il est temps de bâtir un État juste, stable, respecté, qui transforme ses ressources en prospérité partagée et en paix durable.

Modeste Boukadia
Le 07 mai 2025

Afrique: les Etats-Unis se posent en alternative à la Chine

Le 11 mars 2018 dernier, le président du CDRC Modeste Boukadia mettait en garde contre l’influence de la Chine en République du Congo, lors d’un article publié dans le Washington Time, un media d’importance aux Etats-Unies

Un an plus tard, pratiquement, jour pour jour, le 18 mars 2019 : les Etats-Unis se posent en alternative à la Chine, validant ainsi les analyse posées un an plus tot par le président du CDRC Modeste Boukadia. Continuer à lire « Afrique: les Etats-Unis se posent en alternative à la Chine »